Un paysage remarquable mais menacé
Le paysage du Grand Site de France est reconnu comme de grande qualité. Mais qu’en sera-t-il demain avec l’évolution rapide de l’agriculture et de la gestion forestière ? Quel effet le changement climatique, dont l’impact est d’ores et déjà spectaculaire, aura sur ce territoire ?
Le paysage n’a cessé d’évoluer au rythme des changements de l’activité de ses habitants. Cette évolution s’accélère aujourd’hui, avec la remise en cause des systèmes de production agricole et sylvicole et, depuis peu, l’impact déjà spectaculaire du changement climatique en cours. L’avenir de ce paysage est donc incertain. La démarche Grand Site de France s’avère un outil particulièrement adapté à ces enjeux.
Au cœur du paysage
Les prairies et l’élevage
L’agriculture occupe 46% de l’espace du Grand Site de France. Elle est largement dominée par l’élevage bovin allaitant : la production de veaux "maigres", ensuite transférés vers d’autres régions pour y être engraissés. Dans la partie montagneuse du territoire, l’activité se cantonne à des clairières agricoles le plus souvent centrées sur les villages et les hameaux, ainsi qu’à des parcelles ni trop pentues, ni trop humides, pouvant être entretenues avec des moyens mécaniques, , les autres parcelles étant délaissée au profit de la forêt. Sur le piémont, au sud et au sud-est, le système bocager est encore très présent, avec des motifs paysagers typiques : haies, arbres remarquables, fermes isolées et nombreux hameaux. Ce piémont bocager n’est pas marqué par la déprise agricole. Il présente un aspect soigné et est ponctué de nombreux châteaux avec de vastes domaines comprenant souvent un étang et des parcs arborés qui les signalent dans ce paysage plus ouvert.
Une forêt mixte omniprésente
L’héritage d’une histoire longue
La forêt occupe plus de 52% du territoire, avec une juxtaposition tranchée de boisements de feuillus et de résineux qui est l’héritage d’une histoire longue. Du XVIe au XIXe siècle, la hêtraie a été surexploitée afin de fournir Paris en bois de chauffage. C’est de cette époque que le Morvan tient ses peuplements forestiers de très faible valeur sylvicole. La plantation de résineux, et tout particulièrement du pin de douglas, s’est avérée être une alternative économiquement intéressante à partir des années 1950. En parallèle, la déprise agricole a conduit au doublement de l’espace forestier au cours du XXe siècle.
C'est ainsi que les peuplements de résineux occupent aujourd’hui une large moitié de l’espace forestier marquant fortement le paysage par leur forme géométrique, leur couleur persistante et uniforme mais aussi par les coupes rases qu’induit le mode de gestion dit « en forêt régulière ». Cette gestion largement dominante dans le Morvan est déconnectée de l’économie agricole et ne permet qu'une très faible valorisation du bois sur place.
Un système agricole fragilisé
L'impact des aléas climatiques
À l’échelle du territoire, le secteur agricole accuse une baisse de 20% du nombre d’exploitations par décennie, qui s’accompagne d’une réduction encore plus forte de la main-d’œuvre du fait de la mécanisation. Cette baisse a été compensée jusqu’à présent par l’extension de la taille des exploitations en même temps que s’est généralisé le modèle d’élevage de vaches allaitantes, système de production qui tend à être aujourd’hui remis en question. À cela s’ajoute le vieillissement de la population agricole (55% des exploitants ont plus de 55 ans). Si l’élevage extensif est favorable à la biodiversité des prairies, l’agrandissement des exploitations s’accompagne aussi de l’abandon progressif des pâturages difficiles à entretenir, notamment les fonds de vallons dont l’ouverture contribue fortement à la lisibilité du paysage. La transmission des exploitations et l’assistance aux nouveaux exploitants, dont le modèle de production est souvent différent du modèle traditionnel de l’élevage allaitant, sont au cœur de la démarche Grand Site de France.
L’impact déjà spectaculaire du changement climatique, combinée à la prise de conscience de la diversité des services attendus de la forêt, se traduit par une réorientation généralisée des objectifs de gestion, toutes catégories de propriétaires confondues.
Les menaces sur les forêts
L'arrivée de nouveaux modes de gestion
Dans le domaine de la gestion forestière, la crise est encore plus forte que dans le secteur agricole, avec la conjonction des effets du changement climatique sur les peuplements forestiers, l’arrivée à maturité de peuplements réguliers de résineux, qui se solde par des coupes rases, mais aussi le renforcement de la demande de bois sur le marché mondial qui engendre une gestion de plus en plus spéculative de la ressource en bois et du marché du foncier forestier. Ces constats conduisent à une évolution accélérée de la physionomie du territoire, avec un risque accru sur sa qualité paysagère appelant à une réforme des systèmes de production : il s’agit entre autres de promouvoir la sylviculture en forêt irrégulière et mixte, notamment lors de la régénération forestière des parcelles affectées de coupes rases.
Bibracte – Morvan des Sommets
Un laboratoire de la transition écologique et solidaire
Le territoire du Morvan des Sommets trouve dans la démarche Grand Site de France un outil particulièrement adapté à la préservation de sa qualité paysagère. Face aux incertitudes qui pèsent sur l’avenir, l’expérimentation est également le maître de mot du projet du Grand Site de France. Envisagé comme un laboratoire territorial pluridisciplinaire, la démarche Grand Site de France développe une méthode de travail souple et agile pour relever les différents enjeux du territoire : transition agricole, évolution des pratiques sylvicoles, développement touristique durable, etc.